Par un arrêt du 4 novembre 2016, la Cour d’appel de Paris a reconnu que la demande de marque « DIETISPA.com le concept bien-être » ne constituait pas l’imitation de la marque antérieure « SPA » et que le terme « SPA » était faiblement distinctif pour les produits cosmétiques.

Nous juristes spécialisés en droit des marques, nous avons toutes et tous un jour rêvé, installés paisiblement dans un bain à remous, ressentant le tressailli des bulles remonter jusqu’à nos têtes trop lourdes, noyées par les questions de similarités des signes, d’identité des produits, et de facteurs pertinents ; inhalant un instant l’apaisant parfum d’eucalyptus qui transporte nos pensées loin, très loin du risque de confusion dans l’esprit du public, écoutant ce charmant bruit que font les bulles qui se délibèrent dans un doux affolement …

Se laissant ensuite délicatement dorloter par les mains expertes d’un masseur (ou d’une masseuse) qui nous appliquerait cette merveilleuse crème « cosmétiques spa » qui nous ferait un bien fou, inattendu et inespéré mais néanmoins mérité.

Et qui nous ferait dire que nous avons bien fait d’y croire, à cet instant précieux, célébré et rendu possible par la décision que vient de donner la Cour d’appel de PARIS, le 4 novembre 2016 dans le dossier concernant la marque belge de cosmétiques « SPA », premier dossier d’une longue série.

Pour rappel, l’INPI avait, dans sa décision définitive du 25 septembre 2015, par un revirement audacieux et parfaitement motivé, rejeté l’opposition fondée sur la marque antérieure « SPA » à l’encontre d’une demande de marque « DIETISPA.com le concept bien être », en considérant notamment pour la première fois qu’effectivement, comme le soutenait le demandeur, le terme « SPA » pour des « cosmétiques » était faiblement distinctif et que les marques présentaient dès lors des éléments de dissemblance suffisants pour écarter tout risque de confusion dans l’esprit du public.

La Cour d’appel saisie du recours vient de confirmer plus d’un an après la décision du Directeur de l’INPI en ces termes :

« Considérant qu’il résulte de ces éléments que visuellement et phonétiquement les deux signes [ SPA / DIETISPA.com le concept bien-être] pris globalement sont parfaitement dissemblables ; que le seul élément commun est le terme Spa ; que toutefois cette circonstance ne suffit pas à considérer ces deux signes comme globalement similaires.

Considérant que le terme Spa était absent du dictionnaire en 1996 ; qu’il y figurait en 2014 pour désigner un bain à remous et un centre de beauté et de remise en forme dans un cadre luxueux ; qu’au moment du dépôt de la marque internationale SPA en 1981, le terme n’était Spa n’était pas nécessaire pour désigner les produits visés ; que peu à peu se sont trouvés associés à ces lieux des produits cosmétiques, développés spécifiquement pour optimiser les soins fournis dans ces établissements, puis des produits cosmétiques sous l’appellation « cosmétiques spa » ; que dès lors le terme Spa qui s’entend d’un centre de beauté ou de remise en forme apparaît très peu distinctif au regard des produits susceptibles d’y être utilisés.

Considérant que l’INPI a considéré en conséquence et à juste titre que le terme Spa n’était pas distinctif pour les services visés en classe 44, les « soins d’hygiène et de beauté pour êtres humains, salons de beauté, salons de coiffure » et qu’il l’était faiblement pour les produits de la classe 3 utilisés en complément des services de la classe 44, les « savons, parfums, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dentifrices, dépilatoires, produits de démaquillage, rouge à lèvres, masques de beauté, produits de rasage ».

Considérant qu’il résulte de cette analyse globale, que le consommateur ne sera pas conduit à attribuer une même origine aux produits et services, ni à croire à une affiliation commune entre les deux marques ni à percevoir la marque contestée comme une déclinaison de la marque antérieure. Considérant que le recours contre la décision rendue par le directeur de l’INPI doit en conséquence être rejeté. »

L’INPI, après la décision rendue en septembre 2015, a maintenu sa position pour tous les autres dossiers d’opposition qui traitaient de cas similaires et ils étaient nombreux puisque les procédures avaient été pendant longtemps suspendues, un tiers ayant demandé la nullité de la marque « SPA » pour finalement retirer sa demande, ce qui rouvrait tous les dossiers en attente.

Il faut préciser que la société belge MONOPOLE SPA COMPAGNIE FERMIÈRE DE SPA est une source inépuisable d’oppositions et de recours et elle conteste systématiquement toutes les marques composées du terme « SPA », déposées pour des produits identiques ou similaires à ceux visés à ses enregistrements de marques, notamment en classe 03.

Cet arrêt de la Cour d’appel est important car il consacre le revirement opéré par l’INPI en reconnaissant le caractère faiblement distinctif de la marque « SPA » pour des « cosmétiques », ce qui suppose aujourd’hui d’admettre la coexistence entre la marque « SPA » et des marques non identiques formées autour de ces trois lettres et qui sont assez nombreuses.

Enfin, cette position sera très certainement aussi reprise pour tous les autres recours que la Cour aura prochainement à traiter.

L’enjeu pour l’INPI était donc élevé puisqu’une une telle décision lui permet de maintenir son cap, d’autres procédures d’opposition sont toujours en cours.

Et, l’INPI est allé encore plus loin puisque désormais sont en principe rejetées lors de l’examen des demandes de marques verbales « SPA » ou « SPA + élément descriptif » déposées en classes 03 et 44.

A la différence, la Cour d’appel de Bruxelles dans un arrêt en date du 16 septembre 2016 rendu non pas dans le cadre d’une contestation formée contre une décision de l’Office Benelux de la Propriété Intellectuelle mais dans un procès en contrefaçon, a rejeté la demande reconventionnelle en nullité pour défaut de caractère distinctif de la marque « SPA » déposée en classe 03, en consacrant dès lors sa validité tout en reconnaissant à ce signe un caractère évocateur.

Cette décision reste en toute hypothèse sans influence sur les juridictions françaises, meilleures sur les questions de bien-être que nos voisins belges !

Vous pouvez télécharger l’arrêt de la Cour d’appel ci-dessous :