Le groupe LVMH compte près de 70 Maisons de mode et maroquinerie.
Parmi elles, la célèbre marque italienne Fendi qui fait partie du groupe depuis près de 20 ans. LVMH vient d’annoncer le ralliement de la très jeune marque Fenty portée par une Rihanna très oversize. Fenty – Fendi… Mamma Mia !

Cette annonce m’a replongée dans de vieux souvenirs : le « Tang » ! La boisson fruitée des années 80, un mélange de poudre et d’eau et, son fameux slogan : « On n’a jamais été aussi près que du goût de l’orange pressée ».

Ce faux jus n’a sans doute pas laissé de trace dans la mémoire collective mais il a eu son petit succès. A l’époque on se félicitait de pouvoir donner – à partir d’une dose de poudre – l’illusion d’un goût orangé.

On était loin des tendances : bio, vegan, raw food… Au contraire, on revendiquait haut et fort la recherche du gout chimique, du vrai fake.

Dans les années 80 aussi, on portait haut et fier les logos des marques affichés en caractères apparents sur les pulls, tee-shirt.
« Oh, c’est un Lacoste ! ».
La discrétion n’était pas de mise.
Année 2010, changement de style, mode plus minimaliste.
« Laissez-moi deviner, il n’y aurait pas un crocodile derrière tout ça … ».

La mode est cyclique, cynique, on le sait et retour aujourd’hui à ce grand flocage de logo niveau seins bimbos.

Mais pour en revenir à notre tour de chant.
Fenty/Fendi… A une lettre près « T »/ « D », ayant de surcroît des vocalises très proches, on pourrait ne serait-ce que phonétiquement confondre les deux marques de vêtements.

Les similitudes entre les signes au plan visuel sont également nombreuses : même nombre de lettres, même nombre de syllabes, une séquence d’attaque « FEN » identique.

Cette histoire pourrait avoir le goût de l’orange amère mais il n’y en a pas… Comme dans le Tang.

Le droit des marques est un droit privatif et déclaratif.

Ce qui suppose donc que sans marque enregistrée auprès d’un Office (comme l’INPI en France), celui qui exploite un signe ne dispose pas de droit antérieur opposable à titre de marque.

Mais j’entends déjà la foule de fans en délire clamer : Mais Fenty, c’est pour Robyn Rihanna Fenty !
Je me souviens bien de « What’s my name ? » en 2010 avec Drake … mais cette nouvelle d’ordre généalogique m’avait échappé.

En toute hypothèse le nom de famille ne donne pas de droit à titre de marque tant qu’il n’est pas enregistré en tant que tel. L.711-1 alinéa 2a) du Code de la propriété intellectuelle.

Une personne qui aurait donc choisi son nom de famille ou même celui d’un tiers (sans que cela constitue une atteinte à son droit moral, cas rarement reconnu) est donc en mesure dès qu’il justifie d’un titre de propriété sur cette marque (certificat d’enregistrement), de s’opposer efficacement au dépôt postérieur d’une marque faite par un homonyme et de l’interdire ; quand bien même cette marque seconde correspondrait réellement à une filiation.

Néanmoins l’article L713-6 prévoit que l’usage peut être toléré à titre de dénomination sociale, nom commercial ou enseigne [mais pas à titre de marque], lorsque le tiers l’utilise de bonne foi et qu’il exerce un vrai contrôle dans la société.
Il faut donc déposer auprès de l’INPI les noms de famille si ceux-ci sont utilisés comme marque, pour avoir des droits à ce titre.
Et, le déposant n’est pas pour le moins dispensé d’en vérifier sa disponibilité.

Or, bon nombre de gérants de sociétés, créateurs, designers, particuliers… s’imaginent à tort : « Mais c’est mon nom, personne n’a le droit de l’utiliser et on ne va pas m’interdire d’en faire une marque ».

C’est sans connaitre les dispositions légales du Code de la Propriété Intellectuelle et la jurisprudence.

Ainsi, Mme Franchi s’est vue refuser par l’INPI à l’issue d’une procédure d’opposition, une protection sur la marque « Franchi & Co » en raison d’un risque de confusion avec la marque antérieure « Elisabetta Franchi » enregistrée par la société Betty Blue. (INPI 26/07/2018)

De la même façon Madame Bouglione n’a pu obtenir l’enregistrement de sa marque « Cirque Madona Bouglione », en raison de l’opposition faite par Monsieur Joseph Bouglione titulaire d’une marque antérieure composée du patronyme « Bouglione ». (Cour d’appel 14/05/2019)

Mais aussi « Kenza Farah », marque déposée par Mme Farah a été reconnue comme présentant un risque de confusion avec la marque antérieure « Farah » de la société Perry Ellis International. (INPI 26/07/2018)

Pour revenir au côté glamour de l’histoire.
Rihanna s’appelle Fenty, elle a déposé une marque de l’Union Européenne « FENTY » en 2017 ; Fendi s’appelle Fendi, les premiers dépôts de marque datent de 1976 et il s’agit de surcroit d’une marque notoire.

N’importe quel examinateur, juge aurait accepter de refuser la marque « Fenty » devant l’antériorité constituée par une marque « Fendi ».

On peut entendre que LVMH s’oppose à l’enregistrement des marques :
« Heer » ayant des marques antérieures « Heuer » ; « Tag Heuer » (21/08/18 Office Belge)
« Bertelli » ou « Beludi » ayant la marque antérieure « Berluti » (INPI 2016/2015)
« Kezoh » ayant la marque antérieure « Kenzo » (INPI 29/10/2018)

Mais pas « Fendi » contre « Fenty » ? Non, pas Fendi contre Rihanna…

On ne se bagarre jamais contre une barbadienne, mieux vaut une paisible coexistence italo-caribéenne et faire entrer Fenty dans la famille Fendi.
C’est la version consanguine de l’histoire…

Dans le texte, sur le site de LVMH au sujet de Fenty :
« Inspirée par une communauté mondiale, affranchie des frontières traditionnelles, Fenty promeut une liberté fondamentale : être libre face aux conventions et règles établies ».
Un message subliminal sans doute…